Dans le cadre de la crise sanitaire et économique inédite qui a frappé le monde entier, Max Havelaar France a souhaité connaître les tendances de consommation alimentaire des Français, en réalisant un sondage qui mesure la prise de conscience d’une nécessité de repenser nos modes de consommation dans leur globalité.

Membre actif du conseil d’administration de FSC France au sein de la chambre sociale, Max Havelaar France est un acteur clé du développement du commerce équitable sur le territoire. Reconnaissables grâce au label noir, vert et bleu, les produits issus de ce commerce respectent des cahiers des charges strictes et répondent à des exigences économiques, sociales et environnementales. Avec une vision et un mode de fonctionnement proches, FSC France soutient et s’engage auprès de Max Havelaar France en faisant également partie de son conseil d’administration, et en participant à des réflexions et travaux communs.

Blaise Desbordes, Directeur Général de l’ONG, revient sur les grands enjeux du commerce équitable, les résultats du sondage réalisé sur la consommation des français et ouvre le débat sur la nécessité de choix plus responsables.

Tout comme la naissance de FSC, celle de Max Havelaar est le résultat d’une rencontre. En 1988, une communauté de caféiculteurs mexicains demande à une ONG néerlandaise de les soutenir d’une nouvelle manière et de trouver un mécanisme pour payer leur production plutôt que de les subventionner. C’est l’idée « Trade not Aid » (« Le commerce, pas l’aide ») qui prend forme, et qui permettra ainsi aux producteurs d’obtenir un juste prix afin de prendre eux-mêmes en charge leur développement.

C’est ainsi que va naître le mouvement Fairtrade/Max Havelaar, aux Pays-Bas, dont la mission principale sera de proposer un nouveau modèle concret pour un commerce équitable structuré et viable. Le café, alors déjà très consommé et au cœur d’enjeux sociaux et économiques importants, sera la première denrée concernée par ce commerce, avant d’être rejoint par le cacao, les bananes, le sucre, le coton et des dizaines d’autres produits que nous consommons quotidiennement.

Aujourd’hui ce mouvement est porté par 30 bureaux nationaux, dont Max Havelaar France, et représente près de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, généré par la vente au niveau mondial de produits labellisés. « Le label Max Havelaar a connu un succès très important, puisqu’au-delà des 30 pays dans lesquels le label est promu, de nombreuses filières ont été créées dans près de 75 pays producteurs, principalement au sud, et environ 5000 organisations sont maintenant certifiées » raconte Blaise Desbordes.

Comme pour FSC, cette construction de filière est l’une des principales réussites de l’ONG : « Ce n’est pas tout d’avoir un label, il faut aussi que l’économie suive. Il y a eu une structuration progressive des filières avec ces nouvelles normes de commerce » nous explique Blaise Desbordes, « de nouvelles règles ont été mises en place pour les producteurs agricoles, avec un prix minimum de sécurité, une prime de développement, la possibilité de pré-financements, et des critères écologiques de production. Des cahiers des charges ont été créés pour ces producteurs, qui sont le socle du commerce équitable, mais aussi pour les négociants et intermédiaires, ainsi que pour les fabricants, et un système d’audit a été mis en place. Ces règles ont réussi à se diffuser jusqu’à créer des filières entières avec des centaines d’entreprises, de coopératives, d’exploitations, d’intermédiaires, et c’est un grand succès ».

Ainsi, cette croissance a permis à l’organisation de changer d’échelle, de se diversifier en touchant tous les publics, et en proposant de plus en plus de produits vendus au sein de nombreux circuits. Bien que certains gouvernements aident parfois à l’amorçage des nouvelles filières, ces aides publiques restent très contrastées, et la force de cette ONG est d’avoir créé un commerce plus juste et plus équilibré, qui se développe par ses propres forces. « Ce modèle de fonctionnement, qui intègre une réalité éthique, écologique et sociale au produit lui-même fonctionne, car il se place là où les actions des gouvernements font défaut. Dans bien des cas, le label Max Havelaar remplace des réglementations et législations sociales et environnementales qui n’existent pas » explique Blaise Desbordes.

Ce développement peut être facilement rapproché de celui de FSC, qui œuvre pour la promotion de la gestion responsable des forêts dans le monde. Bien que ces deux domaines soient en apparence très différents, ils font pourtant face à des enjeux similaires : embarquer l’ensemble des acteurs des chaînes de valeur et développer des filières pour promouvoir une production et une consommation plus responsables. Par le biais de cahiers des charges exigeants et de certifications reconnues, les deux organisations permettent ainsi aux entreprises et aux consommateurs de faire de meilleurs choix de consommation, et de créer un changement positif en engageant la puissance de la dynamique de marché.

La deuxième réussite de Max Havelaar réside ainsi dans la reconnaissance du label par les consommateurs. Le sondage réalisé par OpinionWay pour l’organisation durant le confinement montre par ailleurs que les Français sont prêts à rajouter des critères d’équité dans leurs achats, et à choisir des produits labelisés Max Havelaar. 69% des interrogés estiment que la crise a été l’illustration qu’il faut changer nos modes de consommations pour des produits plus respectueux des hommes et de l’environnement.

Ces résultats confortent l’organisation dans sa phase de développement actuelle : augmenter la part de produits labelisés disponibles. « Cette politique de l’offre est une nouvelle étape à franchir pour proposer aux ménages plus de produits, dans plus de lieux de vente » explique Blaise Desbordes. « La production de matières premières équitables est excédentaire sur ce qui est vendu sous label, donc ce qu’il manque pour répondre à cet enjeu, c’est un engagement accru des entreprises fabricantes et des distributeurs. Ce travail de sensibilisation est mon quotidien pour inciter ces organisations à changer leurs normes ».

Max Havelaar travaille aussi à la démocratisation de l’équitable, car le prix reste malgré tout un élément important lors de l’achat. Cela demande des efforts de l’ensemble des acteurs des filières : « si nous voulons que ça fonctionne, cela demande des efforts de toute la chaîne, les négociants, les fabricants, les distributeurs, qui devront peut-être reconsidérer leurs marges sur l’équitable pour offrir des produits moins chers. C’est en route en France, et nous sommes par exemple passés de 2000 tonnes de cacao vendues à près de 12 000 tonnes en l’espace de 3 ans grâce à cette démocratisation ».

Les précédentes études réalisées par Max Havelaar confirment cette tendance : alors que la consommation alimentaire a baissé en France d’environ 1% en 2018 et en 2019, la vente de produits équitables a progressé de 22% puis 25% ces deux mêmes années, ce qui signifie bien que les critères de responsabilité ont progressé.

« Cette période de crise a été propice au questionnement pour de nombreux français, elle a été un accélérateur de prise de conscience. Face aux situations de pénurie, ils se sont surtout demandé d’où venaient leurs produits, et ont interrogé les conditions de production et de travail des gens de l’ombre ». Le sondage 2020 montre ainsi que 54% des interrogés souhaitent voir le développement d’une consommation locale.
Pourtant cela soulève un paradoxe : malgré les bonnes intentions des français pour l’après-crise, des difficultés apparaissent lorsqu’il faut se passer définitivement de produits tels que le riz, le chocolat ou le café. « Ces denrées font partie du quotidien des Français. Pourtant, il faut leur expliquer que l’empreinte carbone des produits alimentaires importés n’est pas forcément plus importante que celle des produits français, et que ce sont essentiellement les modes de production et non le transport qui sont énergivores et émettent des gaz à effet de serre » explique Blaise Desbordes.

« Lorsque les consommateurs votent pour le local, ils votent aussi et surtout pour des valeurs et une vision d’une certaine agriculture. Ce n’est pas forcément acheter à la ferme d’à côté, mais c’est surtout maintenir une agriculture à taille humaine, qui permet le développement local de territoires et c’est ce que nous faisons, du développement local lointain » raconte Blaise Desbordes.

Cette notion illustre parfaitement l’une des missions de FSC auprès des producteurs et des communautés locales : préserver ou accroître leur bien-être social et économique et maintenir leurs activités grâce à une rémunération plus juste. Pour FSC, sensibiliser à une consommation plus responsable passe également par un travail auprès des acteurs économiques afin d’augmenter l’offre en produits certifiés issus de forêts qui prennent en compte des enjeux fondamentaux tels que la protection des habitats naturels, le respect des droits effectifs des travailleurs, le dialogue territorial. Avec des Français qui plébiscitent le local, FSC France met également une grande partie de son énergie à appuyer le développement de filières françaises, en aidant les acteurs forestiers et industriels à répondre à la demande des grandes marques françaises. Plusieurs entreprises ont déjà répondu à l’appel et le nombre de forêts certifiées FSC en France est en croissance exponentielle.

« Au-delà du commerce et de nos caddies, la crise a surtout mis en lumière notre interdépendance face aux pays producteurs, qui est souvent gage de la survie de ceux qui nous nourrissent et nous fournissent des produits du quotidien » développe Blaise Desbordes. La mission de nos sociétés consiste donc à ne pas déstabiliser ces petits producteurs. Le commerce équitable apporte une contribution au maintien de l’agriculture familiale, tout comme FSC apporte des solutions pour préserver le rôle écologique essentiel des forêts et les populations qui en vivent. Ces deux organisations, comme de nombreuses autres, permettent de trouver des mécanismes capables de promouvoir une transition écologique et solidaire. Elles font le lien entre des principes de durabilité et la réalité économique de nos sociétés.

« Je suis intimement convaincu : la consommation responsable va se généraliser, car les idées justes font leur chemin, dans tous les domaines, espérons simplement que cela ne prenne pas trop de temps, car nous n’en avons plus » conclut Blaise Desbordes.