Découverte des actions menées sur le Limousin pour développer la certification FSC

Depuis mars 2019, une nouvelle Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), qui réunit exploitants forestiers, industriels du bois et scieurs, évolue dans le but de développer la certification FSC sur le territoire très boisé du Limousin et des départements limitrophes. Initiative du SEFSIL (Syndicat des Exploitants Forestiers Scieurs et Industriels du Limousin) et des deux industriels majeurs du territoire, le Comptoir des Bois de Brive et Panneaux de Corrèze, cette société a pour vocation de mieux intégrer les enjeux environnementaux de la région dans la gestion des forêts. Rencontre avec Romain Rouaud, Directeur de la société, qui nous emmène à la découverte de ce territoire et des actions menées par la coopérative.

Forêts françaises
Limousin

Le territoire du Limousin, qui regroupe trois départements – la Corrèze, la Haute Vienne et la Creuse – ainsi que les territoires alentours, possèdent des caractéristiques bien particulières, qui en font l’une des régions les plus boisées de France. Si les forêts s’étendent sur des milliers d’hectares, elles sont aussi très morcelées entre un grand nombre de propriétaires privés. 95% des forêts limousines sont en effet privées. Une dizaine de milliers d’hectares de ces forêts sont certifiées FSC, ce qui représente environ 50% des surfaces certifiées en métropole.

Ces propriétaires possèdent souvent des petites forêts, de moins de 4 hectares en moyenne. « Ces forêts sont en grande partie des biens familiaux et des héritages » nous explique Romain, « elles se transmettent de générations en générations, et ont été constituées sur l’ancien parcellaire agricole avant les lois de remembrement des années 1960 ». Les forêts s’en retrouvent découpées et on compte aujourd’hui plus de 100 000 propriétaires. « En Corrèze, le département le plus boisé, nous avons l’impression de toujours être en forêt, sauf qu’on change de propriétaire tous les 100 mètres ».

À ce morcellement s’ajoute une deuxième caractéristique, qui peut avoir un impact important sur la gestion forestière : son hétérogénéité avec un mélange de résineux et de feuillus. « Les principales essences sont le chêne, qui occupe près du tiers de la surface totale des forêts de la région, le châtaignier, le hêtre, le bouleau, mais aussi le pin sylvestre, le douglas, le sapin de Vancouver ou l’épicéa » explique Romain.

La plupart du temps, cette diversité de ressources est corrélée à la diversité de propriétaires ; « les propriétaires ont souvent planté ce qu’ils souhaitaient sur leurs parcelles, qui peuvent aussi être éclatées entre plusieurs communes » nous raconte Romain, « et on se retrouve aujourd’hui avec un arboretum géant, une succession de petites parcelles, d’une seule essence, qui composent un patchwork ».

Souventces nombreuses forêts morcelées ne sont exploitées qu’occasionnellement : souvent considérées comme un espace de liberté, un lieu de promenade et de divertissement, la dimension économique des forêts arrive plus tard. « Sans généraliser, la plupart des propriétaires réalisent des coupes par opportunités, et ce n’est pas encore acquis qu’une forêt peut être à la fois un bien familial, un espace de loisir et un revenu financier, sans ordre ni hiérarchie, si on la gère correctement et durablement ».

50% de la production de bois des forêts du Limousin sont aujourd’hui exploités, et le volume de bois sur pied s’accroit chaque année. La gestion forestière appliquée à ces forêts apparaît elle aussi, inégale, avec peu de documents de gestion. « Développer la certification FSC dans les forêts du territoire n’est pas évident dans ce contexte » explique Romain, « il y a beaucoup de demandes occasionnelles, et les propriétaires ne s’intéressent pas souvent spontanément à la certification FSC ».

Mais les temps changent, et les forêts, qui étaient le fruit de l’exode rural et de la déprise agricole, ont été transmises et voient arriver des propriétaires plus jeunes. Ces propriétaires s’approprient plus aisément les notions de développement durable, et la pression sociale et environnementale se fait plus pressante. « Avoir des coupes rases autour de maisons est difficile à accepter, les gens s’attachent aux forêts, la sensibilité environnementale augmente et les mentalités évoluent doucement » témoigne Romain.

Forêts françaises

Cette question environnementale en forêt se retrouve sur les marchés mais aussi sur le terrain. On retrouve dans le Limousin beaucoup d’opérateurs en forêt dont les exploitants forestiers, souvent indépendants et qui assurent le lien entre la forêt et les industries du bois. Les deux principales industries de la région qui se fournissent en matière certifiée FSC sont Panneaux de Corrèze et le Comptoir des Bois de Brive, à l’initiative de la création de la SCIC-CGF.

« Une usine de première transformation peut avoir entre 80 et 90 fournisseurs différents sur l’année, et chaque exploitant livre des quantités assez faibles au vu du morcellement du territoire ». Les acheteurs de matières FSC souhaitent que le plus grand nombre d’exploitants soient certifiés pour répondre aux besoins du marché.

C’est précisément ici qu’intervient la société coopérative dirigée par Romain, avec un pari ambitieux : permettre à l’ensemble des exploitants forestiers d’être en mesure d’obtenir la certification FSC. Simple mais innovante, l’idée de cette société est de permettre à l’exploitant forestier de sensibiliser les propriétaires à la certification FSC. « Mon travail consiste à créer un service permettant de développer une certification de groupe » explique Romain. « Notre objectif est d’amener les propriétaires à réfléchir à cette certification, et de donner aux exploitants les moyens de le faire ».

Elle-même certifiée depuis juin 2019, la SCIC-CGF compte aujourd’hui 17 sociétaires, 4 forêts certifiées et mise sur un développement rapide dans les prochaines années. Ayant signé une convention de partenariat avec FSC France qui joue un rôle de conseil et d’accompagnement, la SCIC met à disposition des exploitants des compétences et un personnel formé aux référentiels FSC. Les exploitants ont ainsi toutes les cartes en main pour présenter la certification de groupe aux propriétaires forestiers. Cette certification de groupe permet à différents propriétaires de mutualiser les coûts, en étant regroupés sous un seul certificat, géré par la SCIC, qui veille au respect des exigences FSC pour l’ensemble des membres du groupe. Elle leur délivre ainsi un document de gestion adapté aux critères FSC.

Les exploitants réalisent ainsi les coupes et travaux prévus dans le document de gestion FSC, et s’approprient peu à peu les exigences d’une gestion forestière durable : « Il faut changer les mauvaises habitudes de gestion prises ces dernières décennies, par exemple en expliquant aux propriétaires forestiers pourquoi il faut laisser du bois mort au sol. On a longtemps eu l’habitude de l’utiliser pour se chauffer, mais il n’y a que lui qui sera capable d’apporter d’importantes matières organiques aux gros arbres » explique Romain. « Quand tous les propriétaires laisseront le bois mort ou des chandelles sur pied, avec des loges pour les oiseaux, des champignons, des écorces décollées pour la biodiversité, on aura gagné une partie. Mais c’est l’affaire de plusieurs générations ».

Aux exploitants forestiers s’ajoutent les industries de transformation du bois au sein de la SCIC. « Dans le secteur forestier, les coopérations entre acteurs sont rares, il y a beaucoup de concurrence, un esprit d’indépendance fort, et notre premier succès a été d’aboutir à une coopération forte entre plusieurs entreprises d’exploitations forestière et de première transformation et de renforcer le dialogue » raconte Romain, fier d’avoir réussi ce défi. « Au début peu de personnes y croyaient, mais aujourd’hui ces acteurs collaborent, s’engagent et prennent des décisions ensemble ».

Fonctionnement SCIC CGF

La société coopérative travaille donc activement pour préparer les professionnels de la filière à répondre aux demandes du marché et à offrir du bois certifié FSC. Romain accompagne notamment les scieurs, des acteurs encore trop peu présents dans la liste des certifiés en France, pour développer la certification de chaîne de contrôle. La production de bois d’œuvre certifié FSC et local permettra de développer les débouchés, notamment dans le secteur de la construction, et sera une avancée importante pour FSC en France. « On fait un pari sur l’avenir, je fais en sorte que les scieries soient prêtes à réagir dès que le marché évoluera » raconte Romain, « j’ai déjà installé une chaîne de contrôle chez un scieur d’essences feuillues, qui est prêt à être audité, d’autres suivront d’ici là fin de l’année ».

La certification FSC s’inscrit donc dans une démarche d’ensemble de prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux sur le territoire du Limousin. Elle permet de couronner les efforts effectués pour une production et une transformation du bois plus responsables.

Si la certification et une gestion responsable engendrent des surcoûts avec notamment des travaux supplémentaires de repérage et marquage des arbres, de préservation de la biodiversité ou des coûts liés aux audits, ils seront finalement absorbés par les consommateurs qui décident de se tourner vers une consommation plus responsable, respectueuse de l’environnement et des hommes, en choisissant des produits en bois certifiés FSC : « c’est une juste répartition des efforts ! » argue Romain.

Les prochaines étapes de la SCIC sont l’augmentation du nombre de sociétaires et le développement du nombre de forêts certifiées. « Il faut maintenant responsabiliser encore davantage chaque acteur et lever les derniers freins à la certification, parler, expliquer, conseiller. Je suis confiant pour l’avenir ».