Aujourd’hui, 75% de la forêt française est détenue par des propriétaires forestiers privés, ce qui concerne près de 3,5 millions de personnes et représente une surface de 12,6 millions d’hectares soit environ 23% du territoire d’après le Centre national de la propriété forestière (CNPF).
Ces acteurs sont essentiels à la préservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources forestières et sont au cœur d’enjeux écologiques et économiques. À travers la mise en place de pratiques plus responsables, seuls ou accompagnés par des experts et gestionnaires forestiers, ils jouent un rôle dans l’équilibre entre exploitation raisonnée du bois et préservation des écosystèmes.
Rencontre avec Agnès de la Haye Saint Hilaire, propriétaire forestière en Haute-Vienne, qui, avec son mari et ses enfants, gère la forêt de La Boisserie dans une démarche de gestion responsable et certifiée FSC.
La forêt de La Boisserie, un héritage vivant
La forêt de La Boisserie appartient à la famille d'Agnès de la Haye Saint Hilaire depuis plusieurs générations. Située à une vingtaine de kilomètres au nord de Limoges, elle s'étend sur 55 hectares et se compose d’un mélange de résineux – principalement du douglas et du pin laricio – et de feuillus – chênes rouges, érables, merisiers ou encore aulnes. Les origines de cette forêt remontent aux années 1950, lorsque les parents d'Agnès, avec l'aide du Fonds forestier national (FFN), ont entrepris les premières plantations de douglas et de peupliers sur une parcelle agricole en friche. Progressivement, les prairies ont été reboisées pour créer un espace forestier diversifié.
Depuis une dizaine d'années, Agnès et son mari, aujourd’hui à la retraite, ont pris en charge la gestion de cette forêt, impliquant progressivement leurs quatre enfants afin d'assurer la transmission de ce patrimoine naturel. « Nous nous faisons aider par un expert pour la réalisation du Plan simple de gestion, le marquage des éclaircies et leur commercialisation » précise Agnès. En 2024, la création d’un Groupement forestier familial a permis de structurer encore davantage cette gestion.
Les différentes essences permettent une diversification des usages du bois. Aujourd’hui, les coupes de douglas sont destinées à la trituration pour la pâte à papier, aux billons pour la fabrication de palettes et au bois de charpente. Les feuillus, quant à eux, sont principalement valorisés comme bois de chauffage vendus à des particuliers. Outre la production de bois, deux étangs enrichissent cet écosystème, l'un loué à la Fédération de la pêche de la Haute-Vienne, l'autre à usage familial, et, depuis trois ans, la forêt abrite des ruches, permettant la production et la vente de miel.
Une gestion durable et certifiée FSC
Engagée depuis plusieurs années dans une gestion forestière durable, la famille a fait le choix d'une sylviculture mélangée à couvert continu. La certification FSC, obtenue en 2020, a été un pas supplémentaire dans cette démarche de gestion responsable de la forêt : « La forêt est un milieu vivant qu’il faut accompagner. La certification FSC nous a apporté de précieux conseils en matière de biodiversité, avec des recommandations pratiques sur la conservation des arbres morts et des arbres-habitats par exemple » raconte Agnès de la Haye Saint Hilaire.
Pour elle, la forêt ne se traduit pas uniquement par le côté économique, « bien qu’il soit très important car sans rentrées financières, la gestion peut être compliquée ». Mais cette démarche FSC s’inscrit avant tout dans une volonté forte de transmettre un patrimoine préservé à ses enfants. « Cette forêt est très importante pour la famille. Nous en avons hérité, nous la gérons, et nous savons que nos enfants prendront la suite ».
Un mot sur l’avenir des forêts et le rôle des propriétaires forestiers
Agnès de la Haye Saint Hilaire est consciente des défis que pose le changement climatique sur la vitalité des forêts. « L’adaptation des forêts est un véritable enjeu. Les forestiers doivent étudier chaque parcelle, échanger et continuer à expérimenter en intégrant des essences plus résilientes et en adoptant des pratiques plus respectueuses » souligne-t-elle, citant, entre autres outils, les principes de sylviculture mélangée à couvert continu, ou encore la méthode BioClimSol, développée par le CNPF.
Pour elle, la certification FSC représente une opportunité pour les propriétaires forestiers de mieux valoriser leur bois tout en contribuant à la bonne gestion des ressources. « Nous sommes dépositaires d’un patrimoine. Il est essentiel d’en prendre soin pour les générations futures », affirme-t-elle. Par l’organisation de journées d’information avec d’autres propriétaires et experts, comme elle a pu le faire par le passé, ou dans le cadre des Assemblées générales du Groupement forestier familial qu’elle co-préside, elle espère sensibiliser et inciter à une gestion plus responsable des forêts.
Cette Journée internationale des forêts nous rappelle que chaque propriétaire a un rôle clé à jouer dans la préservation de ces écosystèmes vitaux. Grâce à des initiatives comme celle d’Agnès de la Haye Saint Hilaire et de sa famille, les forêts peuvent concilier production de bois et préservation de la biodiversité. En transmettant ce savoir-faire et ces valeurs aux générations futures, les propriétaires forestiers assurent ainsi la pérennité de ce patrimoine naturel, essentiel à l’équilibre environnemental et à notre avenir collectif.