Une forêt construite pas à pas

C’est en 1980 que Bernard Palluet et son épouse font l’acquisition d’une petite propriété agricole familiale, comprenant 15 hectares de friches. Progressivement, ils agrandissent leur domaine, achetant de nouvelles parcelles jusqu’à atteindre une superficie de 50 hectares. Située en altitude, entre le plateau de Millevaches et ses contreforts sud, leur forêt est un assemblage de parcelles diversifiées, dont une grande partie est en cours de conversion en sylviculture mélangée à couvert continu (SMCC), une gestion qui considère la forêt dans sa globalité et qu’ils perfectionnent depuis leur adhésion à l’association Pro Silva en 1993.
Avec 35 hectares de résineux et 14 hectares de feuillus placés en îlots de vieillissement et de sénescence, la forêt de M. et Mme Palluet est un espace où la biodiversité est préservée. Certaines parcelles, classées en zones Natura 2000 et ZNIEFF*, sont d’ailleurs reconnues pour leur Hautes Valeurs de Conservation (HVC)**, soulignant ainsi l’engagement environnemental du couple.
* Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique : espace naturel inventorié en raison de son caractère remarquable.
**Une valeur biologique, écologique, sociale ou culturelle d'importance capitale ou critique, reconnue comme unique ou remarquable par rapport à d'autres exemples dans la même région.
Vivre en harmonie avec la forêt
Pour Bernard Palluet et sa femme, la forêt est bien plus qu’un simple patrimoine : elle est au cœur de leur quotidien. « Posséder de la forêt autour de chez nous, c’est gérer notre espace, c’est la possibilité d’y pratiquer des activités techniques, scientifiques, ludiques, de s’y dépenser en efforts physiques excellents pour la santé », explique-t-il : « Pour moi, fils d’exploitant forestier scieur vivant depuis ma naissance dans et au rythme de la forêt, la vie s’articule forcément autour de celle-ci. Pour ma femme, c’est la passion du vivant et des plantes en particulier qui ont créé ce lien ». Chaque jour, muni d’un outil – sécateur, ruban, tronçonneuse –l’un ou l’autre arpente leurs parcelles pour y pratiquer des actions de gestion forestière.
Outre le bois de chauffage que Bernard Palluet prélève pour leur usage personnel, il valorise les ressources forestières en façonnant des piquets de châtaigniers – utilisés pour la construction de clôtures – ou en faisant scier des grumes pour des travaux agricoles et domestiques. Les interventions plus conséquentes, quant à elles, comme les éclaircies et les récoltes de coupes de conversion, sont confiées à la coopérative forestière CFBL, qui les a aussi aidés à établir un plan de gestion conforme aux attentes du référentiel FSC.
Le choix de la certification FSC
« Après la conférence de Rio et la réaction corporatiste des syndicats de propriétaires forestiers, nous avons d’abord pris conscience de l’intérêt de la certification de gestion durable des forêts sur un plan général, et par principe » raconte Bernard Palluet.
D’abord freiné par la « rigueur extrême » de la certification FSC, l’introduction d’une démarche de certification de groupe par la CFBL, système intéressant pour les petites propriétés forestières privées, a décidé M et Mme Palluet à se lancer.
Pour les deux propriétaires corréziens, dont la gestion forestière suivait déjà des principes de gestion durable, la certification FSC est une preuve supplémentaire de bonne gestion ainsi qu’un levier économique permettant l’accès à des marchés spécifiques, comme ceux proposés notamment par des papetiers, en attendant que ce soit le cas pour les bois d’œuvre.
Diversité, réflexion et sensibilisation
Face aux défis engendrés par le changement climatique, M. et Mme Palluet misent sur la diversité des essences et une approche réfléchie de la gestion forestière. « Pour nous, c’est une évidence que, s’il n’y a pas de solutions encore connues à la crise en devenir, la prévoyance s’impose, en introduisant d’ores et déjà un minimum de diversification. Il nous semble prioritairement incontournable de s’en référer aux données scientifiques, d’accorder une certaine confiance dans les capacités de la nature à s’adapter partiellement et, surtout, de respecter le fonctionnement des écosystèmes » souligne-t-il. « Cela impose donc réflexion, bannissement de toute décision rapide ou radicale, et sans doute l’acceptation de quelques sacrifices financiers de court terme. La SMCC répond à tous ces critères ! »
Dans les années à venir, le souhait est d’aller plus loin en participant à la sensibilisation du grand public à la gestion forestière responsable : ainsi le couple réfléchit-il à des initiatives originales, comme des rencontres autour de la forêt, notamment en collaboration avec le bar associatif de leur commune. L’objectif est de permettre aux citoyens de mieux comprendre la complexité de ce milieu souvent mal connu.

Le message de Bernard Palluet aux propriétaires forestiers français
« Si vous avez envie de vous poser toutes les questions qui vous aideront à comprendre comment on chemine vers l’idéal d’une bonne gestion forestière, puis à trouver des solutions satisfaisantes pour la forêt, la société et vous-même, alors entreprenez de vous lancer dans une démarche de certification FSC. Non seulement la société vous le rendra, mais l’économie ne vous décevra pas et vous en éprouverez de grandes satisfactions. »