Cette table-ronde a rassemblé des intervenants de divers horizons :

  • Aurélien Sautière, Directeur Exécutif de FSC France
  • Adeline Favrel, Coordinatrice du réseau Forêt de France Nature Environnement
  • Sébastien Mabile, avocat et Vice-président du Comité français de l'UICN
  • Alain Karsenty, chercheur au CIRAD
  • Michèle Rivasi, Eurodéputée

Modérée par Juliette Nouel, journaliste et animatrice de débats sur les enjeux climat et biodiversité.

Les citoyens et, depuis quelques années maintenant, les États et l’ensemble des acteurs publics et privés prennent conscience des impacts de notre consommation sur les forêts, notamment avec la mise en place de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) en 2018 et plus récemment la loi Climat. Alors que l’Europe s’engage dans une nouvelle réflexion sur le sujet, cette table-ronde a permis de revenir sur les causes et conséquences de la déforestation importée et d’échanger les points de vue sur le très attendu renforcement de la législation dans les mois à venir, alors que « 10% de la déforestation sont causés par la consommation en Union Européenne » comme l’a rappelé Adeline Favrel.

La coordinatrice du réseau forêt de FNE rappelle également que « cette déforestation a de graves conséquences sur la nature et notamment les forêts qui abritent 80% de la biodiversité terrestre. Elle est aussi responsable d'émissions de gaz à effet de serre et représente 12% des émissions mondiales de CO2 ». Sébastien Mabile, a par ailleurs précisé que « les feux de forêts ont de graves impacts sur les peuples autochtones », qui représentent 6% de la population mondiale selon les Nations Unies.

Alors que les principaux produits responsables de déforestation importée sont le soja, utilisé pour l'alimentation du bétail en France, l'huile de palme utilisée dans de nombreux produits agroalimentaires mais aussi en tant qu’agrocarburant, et le cacao, Alain Karsenty a ajouté « qu’il ne fallait pas oublier les dizaines d’autres produits et secteurs responsables de déforestation importée, tels que le caoutchouc naturel avec les plantations d’hévéas, ou le café ».

Ainsi, les intervenants ont pu échanger leurs points de vue sur les différences solutions envisageables pour accélérer la lutte contre la déforestation importée avec une attente partagée d’une législation de l’Union Européenne ambitieuse, déjà repoussée plusieurs fois. « Ambitieuse signifie contraignante, qui couvre un nombre important de produits et qui ne s’arrête pas aux trois principaux produits responsables de déforestation importée » a précisé Adeline Favrel. « Cette législation doit également prendre en compte la déforestation légale et illégale, intégrer les droits humains ou encore la dégradation des écosystèmes ».

Pour Sébastien Mabile, la loi sur le devoir de vigilance peut être un outil intéressant. Dans le cas de la déforestation en Amérique du Sud, cette loi permet aux ONG d’attaquer des multinationales en justice.

À la question de Juliette Nouel de savoir si les certifications doivent être « poussées à s’améliorer », Aurélien Sautière a indiqué que cela était même nécessaire, y compris FSC. Il précise cependant que « toutes les certifications n’ont pas le même modèle de gouvernance. Or, plus cette gouvernance est démocratique, pluraliste et équilibrée, plus les certifications sont en capacité d’appréhender la complexité des problèmes, de s’adapter aux enjeux environnementaux actuels et futurs ainsi qu’aux demandes de la société ». Il a également ajouté que « la mise en place d’un méta-label zéro déforestation, tel que le préconise la SNDI, comporte le risque de chercher le plus petit dénominateur commun et de tirer les exigences vers le bas ». Alors que FSC a publié en mars 2021 cinq recommandations à destination de la commission européenne sur ce sujet, le Directeur de FSC France a rappelé quelques critères que l’organisation souhaite voir intégrés dans le règlement à venir : « À l’image de ce que propose la SNDI française, nous souhaitons une réglementation européenne forte qui prenne en compte des critères sociaux et environnementaux comme par exemple la préservation des Hautes Valeurs de Conservation (HVC), le respect des droits des travailleurs ou encore les droits des peuples autochtones ».

Alain Karsenty préconise quant à lui de mettre en place une solution fiscale, à travers « la création d’une taxe douanière, permettant de faire la différence entre les produits certifiés et non certifiés afin qu’ils ne soient pas soumis au même régime douanier ». La suite logique selon lui serait par ailleurs de « réaffecter les recettes fiscales supplémentaires, dues à la hausse des tarifs douaniers, au financement de projets destinés à aider les petits producteurs pour les faire évoluer vers des pratiques plus responsables et obtenir une certification ».

L’eurodéputée et invitée d’honneur Michèle Rivasi, a également plaidé pour une réglementation plus contraignante, qui pourrait passer par plusieurs outils tels que la révision de la PAC (Politique agricole commune de l’UE) « pour renforcer la souveraineté européenne sur les protéines végétales et la nourriture des bovins et ainsi permette de sortir des importations de soja ». Il faudrait également que l’Europe cesse de négocier des accords commerciaux sans clauses environnementales comme ce fut le cas avec le CETA. L’étiquetage « zéro déforestation » serait aussi, selon elle, un outil permettant de marquer les produits et favoriser la transparence auprès des consommateurs. Enfin, une sortie des agrocarburants, un devoir de vigilance qui demande la responsabilité des entreprises, et la révision des critères de l’OMC sont autant de pistes pour limiter la déforestation importée au niveau européen.

Un moment riche, suscitant de nombreuses réactions et questions du public, qui montre l’urgence de mettre en place des solutions au niveau européen mais aussi national pour répondre à ces enjeux planétaires.