Guillaume Gigot*Office Français de la Biodiversité

**Institut de recherche pour le développement

Responsable de la cellule « Conservation » du service PatriNat - qui développe des programmes d’appui aux politiques de conservation de la nature -, Guillaume Gigot évolue au sein d’une équipe à l’expertise pluridisciplinaire, qu’elle met au service de l’évaluation de l’état de conservation des habitats et des espèces vivantes en France.

Guillaume Gigot est également Référent Outre-Mer, une mission transversale dans laquelle il appuie les acteurs des territoires concernés sur les thématiques d’expertises de PatriNat.

La Liste rouge des espèces menacées, un outil d’aide à la décision en constante évolution et connecté aux réalités des territoires

C’est dans ce cadre que son équipe pilote depuis plus de 10 ans des travaux sur la Liste rouge des espèces menacées, un outil développé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), et reconnu au niveau international comme l'inventaire le plus complet de l'état de conservation des espècesqu’elles soient végétales, animales ou fongiques. À noter que cette Liste rouge se décline sur différentes échelles, pour apporter des données adaptées à l’aide à la décision et à la gestion locales : « pour préserver la diversité de la faune et de la flore, il est important de connaître la situation précise de chaque espèce, de surveiller l’évolution des populations et les menaces en cours pour identifier les priorités d’action » souligne Guillaume Gigot.

16 ans de la Liste rouge

Par exemple, en France, la Liste rouge nationale – qui a fêté ses 16 ans en 2024 – permet de déterminer le risque de disparition des espèces qui se reproduisent en milieu naturel ou qui sont régulièrement présentes sur les territoires de l’Hexagone, de la Corse et des Outre-Mer. Un baromètre qui s’appuie sur une solide base scientifique coordonnée par le Comité Français de l’UICN et PatriNat, et dont l’élaboration repose sur la contribution d’un large réseau d’experts : « en associant les établissements et les associations qui disposent d’une expertise et de données fiables sur le statut de conservation des espèces, il est ainsi possible de fournir un inventaire détaillé et public, utilisable pour aiguiller la direction de politiques comme les plans nationaux d’actions (PNA) ou les stratégies nationales pour les aires protégées (SNAP) ».

La Liste rouge française compte ainsi aujourd’hui près de 20 000 espèces évaluées, et identifie parmi elles presque 3000 espèces menacées.

Établie dans le cadre de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN), cette ressource est régulièrement mise à jour avec l'évaluation de nouveaux groupes : l’année 2024 a par exemple vu les publications de la première Liste rouge des champignons de métropole ou de chapitres spécifiques aux Flores vasculaire – un groupe qui correspond à l'ensemble des plantes à fleurs, des fougères et des conifères – des Îles Kerguelen ou de Nouvelle-Calédonie.

« Global Tree Assessment » : une évaluation mondiale de l’état de conservation des arbres

Dans le cadre de la Liste rouge mondiale, des recherches intensives ont été entreprises au cours des cinq dernières années pour compiler des informations sur le risque d'extinction de presque 50 000 espèces d'arbresquasiment la totalité des essences que l’on connaît aujourd’hui dans le monde. Ces travaux sont le fruit des efforts de l’UICN et de BGCI avec l’aide de plus de 1000 experts.   

« Nous savons désormais que plus de 30% de ces espèces d’arbres sont aujourd’hui menacées d'extinction, et qu'au moins une centaine d’essences sont répertoriées comme éteintes. » explique Guillaume Gigot. « Parmi les principales menaces qui pèsent sur ces végétaux, on peut notamment penser au déboisement et à des formes de sylviculture intensive, qui détruisent les habitats, ainsi qu’à la propagation de maladies et de ravageurs. Le changement climatique a également un impact clairement mesurable. »

Espèces forestières menacées et gestion responsable

Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur nos forêts françaises ont des conséquences directes sur les nombreux animaux et plantes qui en dépendent.

Noctule commune - © L. Arthur
Noctule commune - © L. Arthur
  • Chez les vertébrés, on peut par exemple penser aux chauves-souris, qui sont mises en danger lorsque leurs réseaux de gîtes forestiers sont détruits ;
  • Du côté des champignons, les bolets (bolet de plomb, bolet rubis) et les lactaires (lactaire citron pâle, lactaire cuivré) ont besoin d’habitats stables, et sont donc menacés dans des situations comme la conversion de forêts en terres agricoles, l’ouverture et la dégradation des habitats lors d’aménagements forestiers ou d’assèchements liés aux changements du climat, ou la pollution des écosystèmes forestiers ;
  • Beaucoup d’insectes dits saproxyliques, desquels font partie les coléoptères – comme le pique-prune ou la saperde à échelons –, ont un cycle de vie associé à celui de la dégradation du bois mort. Une relation qu’une gestion forestière éclairée a le pouvoir de préserver, en veillant à laisser le bois mort en place, ce qui contribue conjointement à la qualité du sol et du sous-bois.

« Un projet de Liste rouge des myriapodes - communément appelés mille-pattes - est également en cours, ce sont des espèces que l’on retrouve aussi beaucoup en forêt. Elles sont par exemple très sensibles aux coupes rases, au passage d'engins lourds tassant le sol, au changement des essences forestières pour raisons sylvicoles ou au changement climatique. Sur ce dernier point, les forêts de hêtres sont particulièrement à risque face aux sécheresses de plus en plus répétées et intenses » ajoute Guillaume Gigot.

Pour réduire au maximum notre impact sur les milieux forestiers et la biodiversité qu’ils abritent, l’écologue reconnaît la plus-value d’un référentiel de gestion forestière exigeant comme celui de FSC, qui encadrent les coupes et le maintien d’habitats pour les espèces forestières : « des contraintes qui induisent une dynamique positive et reviennent à maximiser la richesse spécifique et donc le potentiel d’adaptation et de résilience des écosystèmes. » conclue Guillaume Gigot.

Nous avons toutes et tous un rôle à jouer : une vigilance à maintenir sur la préservation des écosystèmes forestiers

En France, la filière forêt-bois cristallise de nombreux acteurs, ce qui en fait un réseau complexe.

Guillaume Gigot nous explique qu’une faible proportion des habitats et espèces forestiers sont en état de conservation favorable mais que, comparativement à d’autres écosystèmes très impactés comme les prairies ou les zones humides, la situation semble moins critique, ce qui peut donner envie de relâcher notre vigilance, à tort***. « Les incertitudes quant aux évolutions face aux pressions en cours et aux changements climatiques sont très grandes. À cela s’ajoute une perte de puissance publique et d’exigence face à une intensification de la sylviculture » alerte-t-il. Un contexte qui nécessite donc une surveillance accrue et le maintien d’un dialogue apaisé et documenté entre les acteurs impliqués, pour se fixer des objectifs communs, vertueux et durables.

Jumelles

Le Responsable de la cellule « Conservation » de PatriNat conclue, en pensant aux citoyennes et citoyens : « à un niveau plus individuel, on peut aussi encourager chacune et chacun à sortir en forêt - celles qui sont accessibles - et, pour les plus motivé·es, à contribuer à la sensibilisation et à la production de connaissances par les sciences participatives. Il existe un grand nombre d’initiatives citoyennes, comme l’Observatoire de la Biodiversité des Forêts ou Vigie-Nature par exemple, qui invitent à continuer de s’émerveiller et d’apprendre ! »

Boîte à outils HVC

FSC France met à votre disposition une boîte à outilsréalisée avec WWF France et International Paper – de 62 fiches espèces à Haute Valeur de Conservation de France métropolitaine, disponible ici, pour proposer un document à la fois synthétique et très précis en termes de recommandations de gestion forestière.

Les espèces à Haute Valeur de Conservation (HVC) concernent notamment les espèces déterminantes ZNIEFF et celles prioritaires d’après les directives européennes Natura 2000.

***État de conservation de la biodiversité forestière métropolitaine : peut-on vraiment dire que cela va bien ? Touroult, J., Gazay, C., Gigot, G., Rouveyrol, P., Witté, I. & Paillet, Y. 2021. Etat de conservation de la biodiversité forestière métropolitaine : peut-on vraiment dire que tout va bien ? La revue annuelle d’Humanité et Biodiversité, 6 : 25-35.

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