Meriem Fournier est Directrice de l'Unité Mixte de Recherches (UMR) « Silva », au sein de laquelle évoluent ensemble des agents des trois sites d’AgroParisTech, de l'INRAE et de l'Université de Lorraine.
Sur fond d’écologie, l’UMR s’intéresse aux sciences de l’arbre mais aussi aux Sciences Humaines et Sociales (sciences de gestion, géographie…), qui sont de plus en plus indissociables de la recherche de solutions de gestion forestière durable. « Ce qui m’intéresse vraiment dans ces travaux de recherche, c’est d’arriver à faire évoluer ensemble toutes les parties prenantes des forêts, et de fournir des méthodes et résultats de recherche pour un pilotage stratégique des écosystèmes et des gens qui les gèrent, en incluant les méthodes permettant une large concertation », réfléchit Meriem Fournier.
En parallèle de cette mission de direction, elle enseigne à AgroParisTech : « Aujourd’hui, mon principal objectif par l’exercice de mon métier d’enseignant chercheur, c’est toujours d’aider les jeunes à réaliser leurs projets : ça a toujours été quelque chose qui m’a passionnée, je ne conçois pas mon travail sans enseignement ».
Une profession à deux volets donc, qui l’anime depuis ses débuts !
Comprendre le bois, la forêt et les sociétés qui évoluent autour
De formation ingénieure générale des Ponts, des Eaux et des Forêts, Meriem Fournier choisira, au cours de ses études et au gré des rencontres, de se consacrer au monde de la recherche, ainsi qu’à l’enseignement.
Elle s’engage d’abord dans ce domaine en menant sa thèse de doctorat à Nancy, autour d’un sujet à mi-chemin entre la forêt et le bois, puisqu’elle concerne la mécanique de ce dernier et la compréhension des mécanismes permettant aux arbres de se maintenir debout. Un sujet qui continue d’ailleurs d’être aujourd’hui son fil rouge, et qui apparaît dans certaines de ses publications récentes ou encore dans les thèses qu’elle encadre à son tour.
Elle poursuit successivement sa carrière à Bordeaux puis à Montpellier, au sein de l’ENGREF (qui deviendra AgroParisTech), avec des missions d’enseignante chercheuse.
Sensible aux enjeux du monde rural, à la thématique des forêts tropicales, ainsi qu’à la perspective d’évoluer dans et pour les pays du Sud, Meriem Fournier quitte la France hexagonale en 1998 et passera huit ans en Guyane, où elle dirigera la création d’une unité de recherche sur place. Elle raconte : « Lorsque l’on est en Guyane, le sujet écologique – l’étude des interactions – des forêts est extrêmement évident : c’est à ce moment-là, après avoir étudié la mécanique des arbres, que je me suis intéressée à tous les sujets qui pouvaient graviter autour, dont la génétique des populations, les dynamiques des communautés, mais aussi la valorisation de la ressource en bois et le fait de répondre aux attentes des locaux ».
Après ce long séjour, elle revient en France pour diriger le campus AgroParisTech de Nancy pendant cinq ans, avant de devenir Présidente du centre INRAE Grand Est en 2019. « J’ai ainsi été la représentante du PDG pour les affaires régionales », nous explique-t-elle, « une mission qui permet une ouverture sur d’autres domaines connexes à la forêt, notamment l’agriculture ». Expérience riche à la suite de laquelle, en 2024, elle prendra ses fonctions actuelles de Directrice de l'Unité Mixte de Recherches « Silva » en revenant à AgroParisTech.
Lorsqu’on lui demande comment elle voit le futur de la filière forestière en France, Meriem Fournier répond : « Je me suis beaucoup investie sur les approches d’intelligence collective ; je pense qu’il va falloir arriver à concilier changement climatique et attentes de la société, dans un contexte où les expressions de toutes les parties sont plus fortes, et le lien entre local et international renforcé ». Elle ajoute : « Pour cela, les certifications, comme FSC, au-delà de l’aspect normatif, sont des lieux de concertation qui permettent à différentes parties prenantes de se retrouver pour échanger autour de leurs visions d’une gestion responsable ».
À côté de ses missions de direction et de recherche, Meriem Fournier prend aussi d’autres types de responsabilités :
➤ La construction à partir de 2017, avec la Métropole du Grand Nancy et la communauté d’agglomération d’Épinal, du territoire d’innovation « Des hommes et des arbres », un collectif hybride et audacieux qui a pour objectif de transformer les territoires et de conduire des projets d’innovation avec les arbres et au service des arbres ;
➤ La Présidence du Conseil scientifique du programme « Biodiversité, Gestion forestière et politiques publiques », un appel à projets de recherche du Ministère de l’Écologie entre 2010 et 2018 ;
➤ L’investissement dans la formation « European Forestry », un Master financé par l’Europe. « Cette expérience m’a amené une vision de ce que pouvait être l’enseignement forestier à travers le monde, à destination d’étudiants et étudiantes du monde entier, avec des contextes de gestion qui peuvent être très différents d’une région à l’autre. » analyse l’enseignante.
Être une femme chercheuse dans la filière forestière
« Dans le monde académique en général, surtout dans la biologie et les sciences sociales, les admis au concours d’entrée AgroParisTech sont à plus de 50% des femmes. » constate Meriem Fournier. « En revanche, ce que l’on voit bien, c’est que si l’on démarre avec une égalité bien répartie, au fur et à mesure de l’évolution des carrières et des prises de responsabilités, comme dans le monde du travail en général, on voit de moins en moins de femmes, qui sacrifient encore souvent leurs carrières pour s’occuper des enfants ».
En revanche, les jeunes rejettent de plus en plus les stéréotypes, et la formation des ingénieurs forestiers en France a su intégrer les femmes à la filière, d’après l’expérience de Meriem Fournier.
Enfin, à de jeunes étudiantes ou diplômées intéressés par la filière forêt-bois, elle recommande de chasser l’idée que celle-ci est réservée à des profils issus du milieu ou à des hommes, et affirme que la production de bois n’est pas incohérente avec la préservation de l’environnement : au contraire, il est possible de trouver un compromis équilibré, et c’est peut-être vous qui y participerez !