Anna Ridoire

Anna Ridoire a toujours voulu travailler dans l’environnement. Son choix s’est précisé il y a 15 ans, lorsque ses parents ont acheté une propriété sur laquelle se trouvait une exploitation agricole et une forêt. Réalisant que la gestion de ces parcelles lui reviendrait peut-être un jour, elle décide de se former dans ce domaine. Elle s’est d’abord lancée dans un parcours agricole, avec une formation en production végétale et agroécologie, avant de se spécialiser dans le milieu forestier. Un passage à l’INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) à Bordeaux, lui a permis de travailler sur le changement climatique, avant d’avoir une première expérience dans un cabinet d’expert forestier près de Limoges lors d’un stage de fin d’étude. Anna Ridoire a par la suite été embauchée à la coopérative CFBL en tant qu’agent de valorisation. Elle y travaille maintenant depuis 5 ans et y a gravit les échelons. Actuellement, elle encadre une équipe de 12 personnes.

À son arrivée, ses missions d’agent de valorisation regroupaient : l’achat du bois, la gestion des chantiers d’exploitation et la logistique de transports. Deux ans plus tard, Anna Ridoire a été nommée chef de secteur en gestion forestière et sylviculture. Nouveau poste, nouvelles responsabilités, avec l’encadrement d’une équipe d’ouvriers sylvicoles : travaux de plantations, dégagements, élagages, dépressages, etc. Quelque mois plus tard, à la suite de la réorganisation de l’entreprise, elle devient Responsable de l’agence d’Aubusson, dans la Creuse, poste qu’elle occupe aujourd’hui depuis 2 ans et demi. « Ces métiers nécessitent une projection, de prendre en compte les changements climatiques et de s’adapter pour que les générations futures puissent elles aussi profiter des forêts » explique-t-elle. « Grâce à mon parcours « atypique », j’ai pu approcher tous les métiers terrains de la coopérative, et cette grande polyvalence est une chance : aujourd’hui je peux conseiller à la fois les propriétaires forestiers sur leur gestion forestière et la valorisation de leur bois et ainsi leur proposer une réponse exhaustive ».

Anna exerce un métier de contact et est amenée à travailler aussi bien avec les adhérents de la coopérative, des sous-traitants, les équipes internes et d’autres parties prenantes. « Ce que j’aime, c’est la souplesse et la diversité qu’offre mon métier, mêlant activités sur le terrain et en bureau : répondre à la demande, aux besoins des propriétaires, veiller à ce que le cadre règlementaire, la sécurité et la politique qualité de l’entreprise soient respectés ».

L’hiver, les journées sont plus courtes. Anna Ridoire met un point d’honneur à être sur le chantier très tôt, parfois dès 6h du matin lors de la belle saison. Cette profession entraîne de nombreux déplacements chez les propriétaires forestiers, « il est préférable d’aimer rouler ! ». Tous les métiers de la filière ne sont pas aussi exigeants mais « quand on gère de l’opérationnel et de l’humain, je ne vois pourquoi les ouvriers seraient sur le chantier et pas moi ».

Au début de l’année 2023, pour la première fois, une ouvrière sylvicole manuelle a été embauchée à l’agence d’Aubusson. Cette avancée est importante et reflète l’amélioration de la place des femmes au fil des années dans le secteur forestier. En effet, CFBL était jusqu’alors confrontée à un problème : peu de candidates femmes postulaient aux postes techniques. Anna Ridoire souligne : « On retrouve désormais de plus en plus de femmes à des postes très divers et manuels ; on travaille avec un sous-traitant dont la fille du chef d’entreprise conduit une récolteuse ! ». Cet exemple reste exceptionnel, pour autant, les femmes sont de plus en plus présentes : du poste d’ouvrière, conductrices de grumiers, camion-remorques ou d’engins forestiers. « Aujourd’hui, les femmes ne sont plus seulement secrétaires, assistantes ou comptables, pour être un peu cliché, mais elles occupent également des métiers terrain ainsi que des postes à responsabilités » note Anna, à l’image de la Directrice générale adjointe de CFBL, récemment partie en retraite après 38 ans passés au sein de la coopérative. Et c’est une bonne nouvelle !

Elle a cependant pu constater trois inconvénients à être une femme dans ce milieu. « Tout d’abord, ces métiers, notamment le poste d’ouvrière sylvicole sont physiques et nécessitent de l’endurance. Je les compare à des athlètes de haut niveau » explique-t-elle. En effet, ce poste exige le maniement d’une débroussailleuse toute une journée dans des conditions de terrains souvent difficiles, forte pente, végétation concurrente élevée, météo à la carte etc. « Cette machine, servant à couper les genêts, ronces, fougères, etc., bien qu’elle soit maintenue sur le corps par un harnais adapté et que tous les équipements de sécurité soient portés, demande de la force et de la résilience ». À cela peut s’ajouter des remarques parfois peu agréables de la part de certains hommes. Anna Ridoire a déjà vécu des difficultés auprès de bûcherons qui n’avaient pas l’habitude de recevoir des consignes de la part d’une femme : « Il est nécessaire d’avoir un fort caractère ! Le milieu forestier étant encore très masculin, je me suis déjà trouvée face à des hommes réfractaires au changement et refusant de me parler. Cette situation n’est pas fréquente, mais il faut le savoir, et je préviens toujours quand j’embauche des filles. Ne vous laissez « manger » par des hommes ! », souligne-t-elle en rigolant. Aujourd’hui elle dirige une équipe d’hommes, certains l’ont formé à l’époque et tout se passe bien.

Anna Ridoire aime son métier : « C’est un métier passionnant, il ne faut pas hésiter à venir travailler dans une coopérative, une scierie, des associations… Il existe beaucoup d’entreprises publiques ou privées dans cette filière. Cela demande de l’investissement professionnel et personnel, on ne compte pas nos heures mais si on est motivé.e et curieux.se, on sait s’adapter et aller de l’avant ».