Julie Marsaud

Julie Marsaud s’est formée sur les bancs de l'université en tant qu’écologue, spécialisée en dynamique des populations et des écosystèmes forestiers, puis a poursuivi son parcours en école d’ingénieurs agronomes. Elle choisit alors une spécialisation à l'interface entre les sciences naturelles, politiques et sociales : processus de concertation et de médiation autour de la gestion de l’environnement au sens large, enjeux énergétiques et d’aménagement du territoire. « J’ai commencé à m’intéresser aux problématiques environnementales et à la forêt assez tôt », souligne-t-elle « notamment pour sa complexité ». Après ses études, et une première expérience de consultante indépendante, elle devient coordinatrice du réseau Forêt chez France Nature Environnement, fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement.

Julie Marsaud a ensuite poursuivi sa carrière au Ministère de la transition écologique sur les questions d’aires protégées et notamment les enjeux de protection forte : parcs nationaux, réserves naturelles, tout en continuant à suivre les stratégies relatives aux forêts, notamment à l’échelle européenne.

Depuis décembre 2021, elle a rejoint le WWF France pour y prendre en charge le plaidoyer sur les questions forestières. « Je travaille avec d’autres associations, les pouvoirs publics et diverses parties prenantes de la filière, notamment les professionnels. Je suis chargée de faire valoir des positions pour une meilleure prise en compte de la biodiversité et du climat dans la gestion forestière, et d’agir en ce sens dans le cadre de politiques forestières et de concertations organisées par les Ministères notamment ». Julie Marsaud participe également, au nom du WWF France, à la gouvernance, au développement et à la définition des règles qui régissent le référentiel FSC de gestion forestière, afin d’assurer que ce dernier est à la hauteur de leurs ambitions. En parallèle, elle est membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), où elle représente le WWF France.

Dans ses missions quotidiennes, Julie Marsaud aime particulièrement « partir de problèmes de politique publique, d’enjeux contradictoires par nature, et d’essayer de faire évoluer les perceptions, les miennes également, pour arriver à la meilleure, ou la moins pire, des solutions, qui satisfera tout le monde ». Actuellement, elle travaille par exemple sur la préservation des sols dans le cadre de la gestion forestière. Ce sujet complexe se heurte à de nombreuses injonctions et objectifs, parfois contradictoires. Toutefois, « dans le cadre des Assises de la forêt et du bois qui se sont déroulées entre octobre 2021 et mars 2022, nous avons abouti collectivement (filière, ONG, et parties prenantes de la forêt), à la conclusion que le cadre forestier n’était pas suffisant et qu’il fallait être plus ambitieux, pour faire face aux effets des changements climatiques qui bouleversent les certitudes de chacun. Depuis cet automne, nous contribuons à l’élaboration d’un plan d’action qui sera finalisé pendant l’été 2023 ». Les leviers sont nombreux : de nature réglementaire ou normative, guides de bonnes pratiques, dispositifs de certification de qualité… Cela s’accompagne d’une meilleure compréhension des freins, des besoins de connaissance et de formation sur le terrain, de disponibilité des outils. « L’intérêt de référentiels de gestion forestière responsable, et celui de FSC en particulier, est d’intégrer dans les documents de gestion forestière des éléments qui ne se trouvent pas dans le cadre obligatoire et qui permettent d’assurer la préservation d’un certain nombre d’espèces ». Dans cette même dynamique, le WWF France a d’ailleurs participé à la création d’une boîte à outils, en partenariat avec FSC France et International Paper, sur les Hautes Valeurs de Conservation, pour permettre une meilleure prise en compte des espèces protégées dans le cadre des travaux ou de l’exploitation sylvicole.

De par ses activités, Julie Marsaud évolue au sein de différents secteurs, dans lesquelles la place de la femme varie. En effet, dans le milieu associatif la place des femmes est prépondérante tandis que dans le milieu forestier ce n’est pas le cas, bien que cela tende à évoluer. « Si parmi les propriétaires forestiers la place des femmes est très minoritaire, cela est principalement dû à des raisons sociologiques : 1/3 des propriétaires sont des agriculteurs, qui sont encore majoritairement des hommes. Dans ce milieu, le déséquilibre entre femmes et hommes s’explique plus par cet héritage sociologique que par un refus de s’ouvrir. Il y a 10-15 ans, dans une réunion de 30-40 personnes, j’étais parfois la seule femme. Ce n’est heureusement plus le cas aujourd’hui », ajoute-t-elle.

Au début de sa carrière, elle a intégré une instance en application de la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011, qui impose un rééquilibrage dans les Conseils d'administration et de surveillance, dans l’objectif d’instaurer la parité aux plus hauts sommets des sphères de décision. Dans ces circonstances, être une femme fait certes partie des critères de sélection, pour autant « au-delà du genre, c’est sur le travail et les compétences que chacun, homme ou femme, fait ses preuves et que se fonde la légitimité. Cette loi était nécessaire. On voyait que si on laissait les choses évoluer à leur rythme, on n’y arriverait jamais. Mais je n’ai jamais vécu de compétition ni avec les hommes ni avec les femmes » note Julie Marsaud.

Par ailleurs, dans les formations en biologie, géographie, sociologie ou agronomie où elle intervient, les publics sont majoritairement féminins. Cependant, elle se questionne : « Les statistiques issues du recensement de l’INSEE montrent que les métiers de la transition écologique n’étaient occupés en 2018 qu’à 20,2% par des femmes contre 48,4% pour l’ensemble des professions. Les formations que je vois sont rééquilibrées mais c’est une toute petite partie de la réalité ». En effet, selon l’Observatoire des femmes ingénieurs, la part des femmes ingénieurs de moins de 30 ans plafonne autour de 30%, tous secteurs confondus.  « Quant aux différences salariales, elles sont nettes : - 18% en moyenne, et jusqu’à - 30% pour les fonctions supérieures… Auxquelles les femmes accèdent moins, de surcroît… » réagit-elle. Face aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques qui nous attendent, nous avons donc besoin de toutes et tous !