Tristan Vyskoc

1) Pouvez-vous présenter votre parcours ?

Un besoin, un jour, vers 25 ans, de peindre en marge de mon métier de conseil. Une évidence. Un grand-père (René-Marie Castaing), grand prix de Rome de peinture, que je n’ai pas connu. Des débuts chaotiques, faits de tâtonnements, d’hésitations, d’erreurs. Des erreurs qui ont construit mon travail et le construisent chaque jour. Des erreurs importantes qui m’ont fait évoluer et m’ont enrichi. Cela fait 20 ans que je cherche. Et en 2015, à la suite d’une course en montagne et d’une hospitalisation, toute ma peinture a été modifiée. Depuis, je peins pour raconter une histoire.

 

2) La nature est-elle une source d’inspiration et de création pour vous ?

C’est ma principale source d’inspiration. Une source inépuisable, en constante évolution. Il suffit d’observer, de regarder, de ressentir. Après ma série sur les montagnes, et un message sur la préservation des mondes froids, j’ai voulu montrer la beauté du monde végétal.

Tristan Vyskoc
Tristan Vyskoc

3) Pouvez-vous présenter votre récente exposition « REGARDE ! », dans laquelle vous mettez en avant des arbres et forêts ?

Tout est parti d’une envie, en 2019, de peindre les forêts de mon enfance à La Réunion. J’ai voulu créer une forêt universelle. Universelle comme l’île où je suis né, où chacun peut se perdre, où chacun peut retrouver ses racines. Une forêt où je voyage dans les méandres de ma mémoire, de mon âme, de mes connexions neuronales.

Le 23 mars 1613, le pirate anglais Blackwell, à bord du Pearl, note dans son livre de bord : « L’île est toute boisée ; aussi l’ai-je dénommée England Forest ».

Vous entrez dans une nouvelle forêt primaire, singulière, non encore défrichée. Un monde nouveau, dans l’inconscient d’un être vivant.

L’exposition se compose de 25 tableaux monochromes peints à l’huile.

L’idée était aussi de sensibiliser sur la matière première qu’est le bois. Des côtes des Inuits aux forêts équatoriales les plus profondes, les hommes l’ont chargé d’utilité, de protection, de confort, de spiritualité. Ce lien entre les peuples doit être sauvegardé.

 

4) Quel est votre lien à la forêt ? Que vous inspire-t-elle ?

Mes plus beaux souvenirs sont des moments de forêts, enfant, sur mon île natale.

Bélouve, Bébour, la Roche Ecrite, la vallée de Takamaka ; ces forêts peuplées de Tamarins des Hauts, de fougères arborescentes et enchantées par les sifflements des Merles Péi et des Tec-Tec. Une inspiration profonde. J’aime me perdre dans ces immensités végétales. La vue se trouble, il n’y a plus de repères. Ressourçante, apaisante, elle peut aussi être mystérieuse, angoissante. La forêt est une source de reconnexion permanente à notre moi profond, à notre élan vital.

J’aimerais partir en pleine nature, trouver mon étang de Walden, vivre la vie du personnage d’Henry David Thoreau. Pas totalement coupé du monde mais en pleine harmonie avec la nature. Sentir le rythme des saisons, laisser s’écouler le temps, n’avoir que les contraintes des choses élémentaires.
« La nature à chaque instant s’occupe de votre bien être. Elle n’a pas d’autre fin. Ne lui résistez pas ».

Arrêtons de nous mentir, arrêtons de mentir à la forêt. Elle est plus grande que nous, plus vieille que nous, elle nous survivra. Respectons ces grands arbres qui sont le lien entre la terre et le ciel. A l’ombre de ces géants, j’aime me reposer, toucher le ciel des yeux.

 

5) Selon vous, en quoi l’art peut-il permettre d’éveiller les consciences sur les problématiques environnementales actuelles ?

L’art, par nature, éveille les consciences, nous permet de nous questionner. Les enjeux actuels sont énormes.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs (…) Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Prenons garde que le xxie siècle ne devienne pas pour les générations futures celui d'un crime de l'Humanité contre la vie. » Les mots du Président Chirac prononcés au IVe Sommet de la Terre il y a 20 ans sont criants de vérité.

Il y a une urgence à agir. J’essaie de sensibiliser les entreprises par l’art, à changer leurs regards. Si un tableau permet à des dirigeants, des collaborateurs, de prendre les bonnes décisions quand ils doivent produire, investir, conseiller (…), alors c’est une petite victoire.

Si nous regardions la beauté du monde, nous serions moins tentés de le détruire.

 

FSC France tient à remercier chaleureusement Tristan Vyskoc pour sa participation à la soirée des 15 ans de l'association, en juin 2022, sur la thématique de l'art et des forêts, et à l'accueil au sein de sa galerie à l'occasion de plusieurs événements organisés par FSC France en septembre et octobre 2022.