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Les lignes qui vont suivre retracent le parcours d’une femme déterminée à travailler dans le milieu forestier à une époque où des interdictions ministérielles empêchaient à la gent féminine l’accès à ces études. Aujourd’hui très reconnue dans son milieu, Dominique Pirio œuvre dans la protection de l’environnement et l’égalité des genres.

« Je serai forestière », décide-t-elle dès son plus jeune âge. À la genèse de sa vocation : ses nombreuses balades enfant dans la forêt de Lanouée en Bretagne. Son chemin sera semé d’embûches conduisant à faire d’elle une professionnelle aux divers atouts. Dès la classe de 3ème, elle postule à un brevet d’étude professionnel option forestière. Or au début des années 1970, ce cursus n’accepte que les hommes. Deux ans plus tard elle tente un Brevet de Technicien forestier, en vain. Alors, son bac en poche, elle traverse la France en stop pour se présenter à un examen, « Je suis restée 5 minutes dans la salle et j’ai fait demi-tour. Ils m’ont refusé parce que j’étais une fille », souligne-t-elle ennuyée. Elle persévère, s’inscrit à un concours de technicien forestier et par un heureux hasard, son prénom mixte est rajouté aux listes. Elle parvient à passer le concours mais le niveau étant trop élevé et sans aucune formation à son actif, elle échoue. « J’apprenais en lisant des livres sur le milieu forestier mais je n’avais évidemment pas le niveau », ajoute-elle.

Démunie devant toutes ces portes closes, elle finit par postuler à des écoles de bûcheronnage. Grace à l’aide d’un forestier, elle apprend à couper les têtes des chênes dans la forêt de Lanouée. Elle se rend ensuite dans les Ardennes et est enfin acceptée dans une formation forestière. Elle y apprend à tronçonner et étudie l’exploitation forestière. Une dérogation ministérielle lui permet de passer l’examen : « Voilà comment je suis rentrée dans le milieu forestier ! », dit-elle amusée. « Après plusieurs années à travailler en forêt (bucheronnage, plantation, élagage...), j'ai pu m'inscrire à une formation par correspondance au Brevet de Technicien forestier. Mon prénom et une erreur dans mon numéro de sécurité sociale « 1 » et non « 2 » me seront bien utiles... ». Les cours en distanciel se passent, arrive l’examen pratique et malgré des bâtons dans ses roues, elle obtient son BTA.

Dominique Pirio postule peu de temps après à un poste de technicienne au CRPF (Centre National de la Propriété Forestière) région PACA. Persuadés qu’il s’agit d’un homme, les recruteurs la sélectionne pour un entretien. Cependant, refoulée par la secrétaire, « ce n’est pas par la grande porte que je fais mon entrée mais par une fenêtre. Grâce à la partie exploitation forestière que je connaissais bien, c’est moi qui ai été recrutée », explique-t-elle. Elle y restera 1 an et demi avant de devenir formatrice en école forestière, « à laquelle je n’ai ironiquement pas eu droit d’aller » et le restera pendant 30 ans, comptant parmi ses élèves Marie-Christine Fléchard récemment interviewée par FSC France. « J'ai aimé transmettre des connaissances mais aussi, je l'espère, ma passion pour la forêt ».

Dominique Pirio est par ailleurs très engagée sur les sujets climatiques et les enjeux des forêts : « Très tôt j’ai parlé du changement climatique ; j’ai suivi la conférence de Rio de 1992. J’enseignais la certification, la biodiversité, la gestion irrégulière. J'ai visité de nombreuses forêts souvent certifiées, en France et à l'étranger, seule ou avec mes élèves. Je suis persuadée que la certification des forêts, telle que FSC, est un atout : l’engagement des professionnels est souvent plus fort que des contraintes qui leur seraient imposées, une loi qu’ils pourraient essayer de contourner. La certification est également une possibilité pour l'utilisateur du bois de s'engager en choisissant la gestion responsable », précise-t-elle.

Par la suite, elle se lance en politique, tout d’abord conseillère municipale d’Arradon en 2001, puis élue deux mandats supplémentaires dont un poste de première Adjointe au Maire. Dominique Pirio lance l’association Clim’Actions qui s’inscrit dans une démarche d'action face aux changements climatiques en sensibilisant et mobilisant tous les habitants, acteurs économiques, collectivités et acteurs du territoire, en plantant par exemple des essences forestières diversifiées, locales et adaptées. Un des programmes consiste à planter des arbres pour le carbone, la biodiversité et la sensibilisation des habitants aux évolutions du climat. En s’engageant politiquement, elle fait un constat : « J’ai trouvé parfois plus difficile d’être une femme dans le monde politique que dans le monde forestier », et c’est pour cette raison qu’elle lance diverses initiatives afin d’encourager les femmes à s’investir pour les municipales. Elle cofonde l’association « Le comité égalité femmes-hommes » dans le monde politique, élargit ensuite au monde du travail : « Le but de l’association était d’inciter les femmes à se présenter aux élections et qu’elles n’acceptent pas systématiquement de s’occuper des affaires sociales, comme c’est encore souvent le cas. Elles aussi peuvent gérer des travaux dans une commune… ».

En parallèle, Dominique Pirio est membre du directoire forêt de France Nature Environnement (FNE). « Nous sommes dix, je suis assez fière de représenter l’Ouest de la France, je suis entourée de spécialistes ». Dans ce cadre et celui de son association, elle travaille avec des forestiers et réalise des conférences. Pour finir, elle est conseillère au CESER (Conseil économique, social et environnemental régional) de Bretagne.

Une chose est sûre, Dominique Pirio ne s’est pas trompée de vocation : « J’ai tronçonné, planté, débroussaillé, conduit des tracteurs, conseillé, enseigné tout ce que je n’ai moi-même pas eu comme enseignement. J’aime être en forêt, j’ai toujours aimé ce milieu, on s’y ressource ! La forêt est aujourd'hui essentielle face aux changements climatiques mais elle est également en grand danger. C'est le nerf de mes engagements », conclue-t-elle.